Semblant de réformes .
Par Sweet Thursday.
« La réforme de l’État enfin ! »
titrait Le Figaro dans son éditorial du 13 décembre 2007.
« 96 mesures pour rendre l’État plus efficace »
pour Le Monde dans son édition du même jour.
Le premier journal fait semblant d’y croire. Le second ne s’en donne plus la peine.
Cette énième réforme est un catalogue indigeste de mesures qui ne changeront pas fondamentalement la voilure de l’État. Le jargon technocratique ne permet nullement d’évaluer le bien fondé des mesures. Exemple à l’appui : « un État mieux géré, mesure 71 : externalisation du parc automobile de la gamme commerciale. » Va-t-on supprimer des voitures de fonction ? Non, les directeurs d’administration centrale ne sont pas prêts à prendre demain les transports en commun ! En Allemagne, une ministre avait dû démissionner parce que son mari avait utilisé sa voiture de fonction. La presse qui avait dénoncé cet abus, avait joué son rôle. Au cours du journal du matin sur France Culture, le journaliste Olivier Duhamel a demandé à l’ancien ambassadeur français à Berlin s’il n’y avait pas une part de naïveté ou de candeur dans le comportement de nos voisins d’outre-Rhin. Martin, l’ambassadeur, a répondu pour ne pas le froisser qu’il y avait de bonnes choses accomplies dans ce pays. L’hypocrisie règne toujours en France : « Continuez à parler de réforme mais ne touchez pas à notre train de vie ! » Le Canard Enchaîné s’intéresse aux appartements de fonction. Gaymard et d’autres en ont fait les frais. Mais ce journal ne parle jamais des « camarades syndicalistes » qui bénéficient de voiture avec chauffeur et garde du corps payés par le contribuable.
Le seul organe à avoir une attitude constructive sur la question de la réforme de l’État est l’institut français pour la recherche sur les administrations publiques (IFRAP) Ce think tank français publie de bonnes enquêtes sur le Léviathan. Est-il écouté ? Vaguement par quelques parlementaires esseulés, pas du tout par les énarques qui tiennent les rênes du pouvoir.
Des élections communales seront organisées en France en mars 2008. A titre de comparaison, un gouvernement travailliste osa en 1972, en pleine vague keynésienne, réduire drastiquement le nombre de communes au Royaume Uni : de 30 000 à 7000 environ. En dessous d’un seuil de mille habitants, les communes furent regroupées par souci d’économie. Une mairie implique des services publics et donc des fonctionnaires qu’il faut payer. Le gouvernement d’Edward Heath n’avait pas demandé à ces communes si elles voulaient ou non fusionner. Le parlement vota la loi qui fut appliquée par le gouvernement. Ce n’est pas la rue qui commande à Londres.
Alors que la France croule sous la dette, elle a 36 782 communes, autant que l’ensemble des quinze partenaires européens. A cela, il faudrait rajouter la myriade de syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM). Personne ne connaît leur nombre et ils s’occupent de tout ce qui pourrait être réalisé à l’échelle d’une commune de taille critique. Outre la formidable déperdition d’énergie pour un résultat mitigé, il est impossible au gouvernement de dire le nombre exact de fonctionnaires qu’il emploie.
La décentralisation est le tonneau des Danaïdes inventé par Gaston Defferre. « L’œuvre » de l’ex ministre de l’intérieur n’a jamais été remise en cause par ses successeurs. Sarkozy n’occupait-il pas ce poste avant de devenir président ? S’est-il une fois penché sur ce grave dysfonctionnement ? Les Français n’ont ni mémoire ni recul. Ils vivent l’instant présent qui leur est présenté le soir au journal télévisé de 20 heures. La politique du président est un kaléidoscope : « créer » un pseudo-événement par jour pour donner l’impression aux Français qu’il s’occupe d’eux.
Autre exemple : la ville de New York compte 7 millions d’habitants représentés par 51 conseillers municipaux ; Paris, avec ses 2 millions de résidents, en a 163 ! Paris compte donc dix fois plus de conseillers municipaux par habitant que sa rivale d’Outre-Atlantique. Pour assister aux onze réunions annuelles, ces conseillers parisiens perçoivent une indemnité d’environ 2500 euros. Ce chiffre est approximatif et ne tient pas compte d’autres avantages en nature non répertoriés. L’opacité règne toujours sur le train de vie des élus français. Comme à l’Assemblée nationale ou au Sénat, le travail législatif est préparé par de hauts fonctionnaires issus du moule jacobin de l’école nationale d’administration (ENA). Le travail en commission se résume donc à entériner des textes préparés par l’administration omnipotente. Les élus n’ont pas leur mot à dire. Le travail de ces mandarins est reconnu. Les administrateurs civils des assemblées perçoivent un salaire égal à celui d’un ministre, 8000 euros, et leur carrière est longue alors que celle d’un ministre est aléatoire.
En ce qui concerne l’exécutif, le maire de New York ne peut être élu que pour deux mandats de quatre ans pour une évidente raison de corruption. Le maire actuel, Michael Bloomberg, ne s’accorde qu’un dollar symbolique par an. Avec une fortune personnelle évaluée à 7 milliards de dollars, « il peut bien se le permettre » rétorqueront les « partageux » si nombreux dans notre pays et si bien représentés à tous les niveaux de l’État et des collectivités locales. C’est le drame de la France que d’avoir tant d’élus à se partager le gâteau…
Comment demander à ces élus pléthoriques de se sacrifier pour le bien commun ? C’est impensable. Il faudrait pour cela un homme d’État qui n’existe pas dans ce pays. Un homme politique pense à sa prochaine élection, un homme d’État pense à la génération future. C’est toute la différence entre Nicolas Sarkozy et Margaret Thatcher. L’histoire retiendra l’œuvre de la Dame de Fer mais pas les 96 réformettes de l’actuel locataire de l’Élysée.